Chaque année, des termes sont élus "mot de l'année", d'autres entrent dans le dictionnaire. Si cela peut paraître anodin, ils résument les grandes tendances de la décennie écoulée et les phénomènes émergents.
- 2010.
Burn-out
Entré au dictionnaire en 2010, le mot est malheureusement devenu un terme familier quand il s’agit d’évoquer les cas de grande fatigue et de détresse dans le monde du travail. Tout au long de ces dix années, il a infusé les débats politiques. En mai 2019, l’Organisation mondiale de la santé a défini le burn-out comme “un phénomène lié au travail” et non une maladie professionnelle. En France aussi, le débat s’est invité à l’Assemblée Nationale, en 2018. Mais le phénomène n’a pas été reconnu comme une maladie.
- 2011.
Dégage !
Apparu en Tunisie au moment du Printemps Arabe, le mot a perduré durant toute la décennie, également scandé pendant les manifestations en Algérie contre le régime d’Abdelaziz Bouteflika. Il a également été repris, en début d’année 2019, pour manifester contre le président par intérim d’Abdelkader Bensalah. Son implantation dans la sphère politique a découlé sur un néologisme : “le dégagisme”. Un terme qui a fait son apparition dans le dictionnaire en 2019.
- 2012.
Gif
Élu mot de l’année par les auteurs des dictionnaires Oxford, le Gif est aujourd’hui incontournable du paysage internet. Si le format n’est pas récent (1987 pour sa première apparition) il a fallu attendre le développement des réseaux sociaux pour voir ces images animés envahir nos ordinateurs. Et au-delà de la prolifération, la décennie a aussi permis de mettre fin à un débat : On dit JIF et non GUIF !
- 2013.
Selfie
A force de se prendre en photo un peu partout, les Français ont fini par en faire le mot de l’année 2013. Il s’agissait en effet du terme le plus plébiscité par les votants du Festival du mot. Pourtant, la première occurrence du terme "Selfie" remonte à 2002. On l’a doit à un Australien éméché qui avait souhaité montrer une blessure sur ABC Online, un ancien réseau social australien. La notion de selfie et la pratique se sont tellement développés qu’un objet machiavélique a été créé pour faciliter la prise de selfie : la perche à selfie ( en rappelant que l'usage de cette perche est interdit dans les Parcs Disneyland Paris... mais c'est une autre histoire ! ). Et une traduction française a fait son apparition dans le dictionnaire en 2016 : “Egoportrait”.
- 2014.
Ubérisation
Elu mot de l’année par les médias en 2014, “Ubérisation” est LE mot économique de la décennie.
En 2011, le terme d’autoentrepreneur avait déjà fait son entrée au dictionnaire. Ça tombe bien, car les deux mots sont liés. Pour rappel, l’ubérisation est le principe de modifier le marché en mettant en lien, avec les nouvelles technologies, les vendeurs et les clients. Un modèle qui touche de plus en plus de domaine : location de voitures, d’appartements, de garages, de matériels scolaires, etc.. Il interroge aussi sur les nouvelles formes de précarité, de sécurité du travail, allant jusqu’à redéfinir l’idée même de “salariat”, qui tend à disparaître au profit de ce nouveau modèle où chacun est “son propre patron” (= sans sécurité)... au service d’une entité qui ne fait que vous mettre en contact avec le client.
- 2015.
Laïcité
Élu mot de l’année 2015 par le Jury du festival du mot, la Laïcité fait parti des grands principes de la République, en toute logique. Au moment de la divulgation des résultats, Alain Rey, linguiste et président du jury avait déclaré : “c’est l’occasion de réfléchir à ce concept. L'idée de combat qui était associé à ce terme au XIXème siècle en France a peu à peu disparu pour consister en une recherche d'équilibre entre les religions. Ceux qui ont choisi “laïcité” auraient tout aussi bien pu choisir "République".” Ce terme renvoie forcément aux débats qui ont découlé des attentats de Paris.
Mais surtout, comme le suggère Alain Rey, cela permet de réfléchir à la laïcité, qui a tendance à s’opérer de manière variable, en fonction des religions. Pour preuve, les polémiques sur le burkini ( mot qui est entré dans le dictionnaire en 2018 ), et sur le niqab en 2012.
- 2016.
Réfugiés
En 2016, le jury du Festival des mots a élu “réfugiés” mot de l’année. Il faut reconnaître que c’est le thème qui a traversé la décennie sur le plan humanitaire. La même année, avec la guerre en Syrie, plus d’un million de personnes tentent d’entrer dans l’espace Schengen. Ils étaient 216 000 l’année précédente. Un flux migratoire qui entraînera ce qui a été nommé “la crise des réfugiés”. Beaucoup tentent de quitter le Moyen-Orient par voie terrestre ou maritime. Une traversée de la méditerranée qui engendra la disparition de 17 000 personnes, entre le 1er janvier 2014 et le 31 juillet 2018, selon un décompte de l’Organisation mondiale pour les migrations.
- 2017.
Covoiturer
Le covoiturage n’est pas un phénomène récent, mais il s’est développé tout au long de la décennie. Il suffit de voir le nombre de plateformes existantes sur internet. La pratique a tellement proliféré que le verbe covoiturer a fait son apparition dans le dictionnaire en 2017. En parallèle, de nombreuses règles ont vu le jour pour inciter au covoiturage. Par exemple, la société Autoroute et Tunnel du Mont Blanc a mobilisé, à partir de 2018, un tronçon d’autoroute pour les personnes voyageant à deux minimum. Enfin, la loi mobilité, entrée en vigueur en début d’année, permet également aux collectivités locales et aux entreprises qui le souhaitent de subventionner les covoiturages. Un concept devenu un véritable enjeu politique.
- 2018.
Harcèlement
La prise de conscience des phénomènes de harcèlement, qu’il soit professionnel, scolaire ou de rue, a marqué la décennie. L’écho de ce phénomène a surtout grandi avec les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, qui ont mis en lumière le harcèlement particulier dont peuvent être victimes les femmes.
- 2019.
Urgence climatique
S’il y a un mot qui a marqué la fin de la décennie c’est bien le terme d’Urgence Climatique. C’est pour cette raison que les dictionnaires Oxford en ont fait leur mot de l’année 2019. Avec l’apparition médiatique d’une figure, Greta Thunberg, la question écologique s’est invitée, à juste titre, au cœur des débats. Pourtant, les alertes sur l’état de la planète ne sont pas nouvelles. En 2016, une étude de l’université de Yale avait déjà démontré que nous avions atteint le point de non-retour dans la capacité du sol à stocker le dioxyde de carbone, en raison du réchauffement climatique. Autrement dit, que le processus allait s'accélérer. Une notion qui risque d’être au cœur de la prochaine décennie.